Tous
les étés, je vais à Granville, et depuis deux ans, je profite de
mes séjours pour marcher sur les traces du grand-père, qui fut le
premier professeur du Boxing Club Granvillais, en 1942.
Et
grâce à Raymond Vitard, un ancien président du BCG, j'ai pu aller
à la rencontre du dernier boxeur de cette lointaine époque encore
en vie : monsieur Julien Fizel.
Julien
est né en 1923 et boxait dans la catégorie des légers, où il a
disputé une trentaine de combats amateurs. Il se souvient bien de
l'arrivée de ce nouveau professeur : c'est "Nénesse"
Durceau (?) qui l'a fait venir à l'époque. Il y avait 10-15
licenciés, tous amateurs, qui s'entraînaient comme ils pouvaient
avec le dénommé Nénesse.
Marcel
a pris la suite, plus sérieusement, tous les jours, sauf le samedi,
dans les endroits qu'il trouvait pour ses séances : garage,
cidrerie, dans des sous-pentes... C'est lui qui leur a appris à
sauter à la corde, "une jambe après l'autre, et non les
pieds joints comme ils le faisaient tous". Et Julien se
souvient très bien aussi qu"avec ses élèves, ce
n'était pas un gueulard, ni un "bluffeur".
Il
était très aimé par ses boxeurs, presque un copain. Mais qu'ils
craignaient : un jour, Julien est dans la rue, cigarette au bec. Il
aperçoit Marcel au loin qui marche dans sa direction. Vite, le jeune
boxeur met sa cigarette dans sa poche. Quand Marcel arrive, il dit à
Julien : "Sors ta cigarette
de ta poche, tu vas faire un trou dans ton pantalon"...
Ses
boxeurs ont progressé puisqu'aux championnats de Normandie, sur les
6 engagés de Granville, 4 ont remporté le titre : Jean Lambert,
Paul et René Gautier (frères) et leur cousin Maurice Gautier. René était de loin le plus doué et aurait dû faire une
carrière pro d'après Monsieur Fizel, mais il s'est engagé et est
mort au front...
Julien
Fizel, lui, a perdu lors de ce championnat contre Marcel Hulot.
Du
boxeur Marcel Prilleux, Julien Fizel garde le souvenir, d'un athlète
"souple comme un chat, un beau boxeur en ligne".
Julien l'a vu contre Assane Diouf, à Granville, aux halles, et
contre Victor Sinn, à Avranches. Marcel a arrêté les combats car
il n'avait plus d'entraineur : Hardy n'était pas là, et "nous,
on tenait deux rounds maximum contre lui, on était des amateurs".
Voilà,
en résumé très rapide, ce que m'a raconté ce vieux monsieur de
93 ans, encore en forme. Avec gentillesse, il a accepté que je filme
cette seconde rencontre (je l'avais vu en juin) et je conserve
précieusement cette petite heure enregistrée dans son salon. Ce fut
un moment très émouvant, et Julien a vraiment aimé raconter tout
ses souvenirs. Même si "Oh tout ça, c'est vieux..."